HAMAD Sonja

" Jin - Jiyan - Azadi " (women, life, freedom)

Allemagne

2017Jury

« On dit que mourir des mains d’une femme empêche les potentiels martyrs d’accéder au paradis. C’est peut-être vrai, puisque de plus en plus de femmes kurdes intègrent maintenant la résistance à l’Etat Islamique. Abandonnant leur nom de naissance pour un nouveau, elles actent le prise d’autonomie et deviennent chacune une « Haval », une amie des autres.

Avec le projet »Jin – Jiyan – Azadi « Femme, Vie, Liberté Sonja Hamad essaie, tout en sensibilité, de dépeindre les attentes collectives des combattantes libres kurdes. Chaque individualité a été capturée, tout comme ce qui les lie les unes aux autres. Parallèlement, les images deviennent des possibles offrant un aperçu de leur environnement, à la manière de la poésie inhérente à la culture kurde. C’est ce que montre la ville de Kobane, devenue en grande partie une ville fantôme, où les bâtiments ne sont maintenus que par les souvenirs, où les murs sont mis en pièces, où des fenêtres évidées montrent à voir des espaces perdus ; les restes d’un confort mélancolique transparaissent dans toute cette destruction.

Champ et contre champ, peu souvent perçu comme un acte militant qui gouverne la vie des femmes combattantes, mais plutôt comme un approche photographique. Une passerelle entre la photographe et les combattantes émerge ensuite. Par son implication documentaire, ce projet met en lumière des femmes qui n’ont d’autre choix que de mener un combat contre le monstrueusement actif Etat Islamique. Elles risquent leur vie au nom d’un pays qui n’existe pas encore et dont, pourtant, les frontières sont connues de tous les Kurdes : cette petite bande de terre natale, le sauvage Kurdistan, lieu d’espérances, montagneux et vallonné, qui est attaqué de toute part. Cependant, il s’agit non seulement de leur survie, mais plus encore, il est question d’existence auto-déterminée, de leur liberté, et de leur indépendance. Il y a un aspect existentiel à ce combat pour la liberté.

Il y a des bombardements la nuit, on ressent des détonations, personne ne dort, et pourtant le combat continue le jour d’après. Si l’une d’entre elles meurt, les autres ne la pleurent qu’un jour. Les camarades tirent en l’air avec leur kalashnikovs pour lui rendre hommage, dans un cimetière clairsemé, où seules des fleurs en plastique peuvent fleurir. Le danger et les pertes sont réelles, mais le temps manque pour y penser. Lorsqu’elles ont peur, les combattantes évacuent cette peur en chantant ; elles chantent aussi lorsqu’elles pleurent leurs mortes. Ce sont ces instants qui sont à la fois fragiles et splendides, quand la brutality rencontre la poésie.

Cependant, dès lors que la guerre sera fin, le véritable combat commencera. La menace vient et de l’extérieur, des incursions de l’Etat Islamique, et de l’intérieur. Le combat pour la libération est en effet également dirigé contre les traditions sociales archaïques auxquelles ces femmes sont toujours soumises. Au sein de ce no man’s land où elles vivent actuellement, elles sont hors-la-loi, mais la culture kurde dans laquelle elles ont grandi ne leur donne pas plus de droits. L’urgence de la situation est l’occasion pour elles de changer quelque chose. Ces femmes doivent sacrifier le peu qu’elles ont pour gagner leur liberté.

Les photographies de Sonja Hamad montrent ces jeunes femmes, presque encore enfants, à la fois encore vulnérables, et extrêmement déterminées. Elles ont profondément foi en leur capacité à devenir plus fortes que les hommes à qui elles ont été soumises pendant des décennies. Elles portent toutes leurs cicatrices comme des trophées, et de temps en temps, on peut voir des t-shirts colorés, presque enfantins, sous leurs uniformes.

Hannah Zufall

Avec le soutien du Goethe Institut

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à propos de l'artiste

Sonja Hamad est née en 1986 à Damas, en Syrie, de parents Yezidi Kurdes. À l’âge de trois ans, sa famille s’installe dans une petite ville en Allemagne. En vue de l’obtention de son diplôme de photographie à Berlin, elle présente un projet de portraits qui amorce sa quête sur l’identité culturelle et devient désormais le sujet moteur de son travail.